Studio Magazine -
Thierry Valletoux
Le genre « film de génération » a été tellement visité qu'il a parfois tendance à devenir une sorte de tarte à la crème. Mais, de temps à autre, heureusement, il arrive que de cet imbroglio de destinées émanent une force, une légèreté ou un bonheur contagieux. C'est justement le cas de Nos vies heureuses, ce premier long métrage de Jacques Maillot que l'on a découvert au dernier festival de Cannes. Avec son subtil mélange d'envies et désespoir, de notes justes et d'envolées lyriques, d'énergie et de désoeuvrement, Nos vies heureuses dégage un charme auquel il est difficile de rester insensible. Parce que, comme dans la vie, ce charme vient de cette rare et singulière alchimie créée entre les différents protagonistes de cette aventure. Plus que des personnages, ce sont des créatures de chair et de sang. Marie Payen, Cécile Richard, Camille Japy et Sami Bouajila sont criants de vérité. Et il en va de même pour tous les autres jeunes adultes déboussolés, dont la caméra, intimiste et malgré tout généreuse, de Jacques Maillot esquisse le portrait avec bonheur. Nos vies heureuses recèle un trésor pourtant si difficile à capturer au cinéma : la vie qui va...
Studio Magazine -
Thierry Cheze
DIX MINUTES de standing ovation ! Il est clair que le 20 mai 1999 restera longtemps gravé dans la mémoire de Jacques Maillot. Ce soir-là, à Cannes, son premier long métrage, Nos vies heureuses, seul premier film français en compétition, reçoit lors de sa présentation officielle dans la grande salle du Palais un accueil extrêmement chaleureux. Le réalisateur, qui voit le public se lever et applaudir à tout rompre, est sur un nuage.
Le Film Français -
Marie Paule Marchi
La sélection en compétition officielle du premier long métrage de Jacques Maillot est la très heureuse conclusion d'une longue aventure qui fut souvent éprouvante pour le réalisateur, comme pour son producteur, Laurent Bénégui de Magouric, qui l'accompagne depuis toujours. Nos vies heureuses met en scène six personnages, six amis, six destins croisés. Julie sort de l'hôpital après une tentative de suicide, Ali a quitté le Maroc pour venir étudier en France, Emilie vit une rupture amoureuse, Lucas ne sait plus très bien où il en est, Cécile tue l'ennui en prenant des photos et Jean-Paul est un catholique militant… Chacun devra émigrer, devra quitter son identité pour s'inventer un chemin fragile et personnel. Cela n'ira pas sans déchirement, sans combat ni souffrance. Pour trouver quoi ? Un bonheur paradoxal. La joie d'avoir trouvé quelque chose à aimer de ce monde où l'amour est rare. En dépit de la reconnaissance qu'avaient valu à Jacques Maillot ses courts ou moyens métrages, dont 75 centilitres de prières, Prix Jean Vigo et Prix spécial du jury de Clermont-Ferrand, et Corps inflammables, nommé au César en 94, tous deux présentés à Cannes dans la section Cinémas en France, le réalisateur et son producteur ont dû affronter les refus à répétition de nombre d'investisseurs potentiels. « C'est un film très contemporain, le portrait d'une génération où se mélangent l'émotion et la drôlerie, très charnel aussi, explique Laurent Bénégui. Mais c'est un film dense, long, dont la narration est « démocratiquement » éclatée entre six personnages, sans encrage traditionnel sur un rôle principal, et c'est ce qui a désarçonné nos interlocuteurs traditionnels. Nous n'avons même pas obtenu l'avance sur recettes. Seuls Nathalie Bloch-Lainé pour Canal +, la région Centre et la région Franche-Comté ainsi que le GAN nous ont apporté leurs concours. C'est l'an dernier, durant le festival de Cannes, que nous avons décidé de faire le film envers et contre tout. C'était aussi pour Magouric une façon de rester fidèle non seulement à Jacques, mais aussi aux idées qui fondent notre travail. C'était un énorme risque financier, et l'équipe technique, les comédiens, et les fournisseurs ont fait de très gros efforts pour nous aider. C'était également très difficile pour Jacques Maillot, obligé de reconsidérer sa mise en scène, le temps de tournage et l'utilisation de la pellicule, en fonction de ses contraintes financières. Au prix d'une préparation extrêmement minutieuse, mais aussi d'une jonglerie permanente, et grâce à toute une équipe très soudée autour de lui, Jacques a bouclé en 40 jours un film de 2h30, tourné sur 2 à 3 lieux différents chaque jour, et qui comptait 84 acteurs» |